vendredi 8 octobre 2021

Dieu et la Science

 


Il est vain d'opposer la science et la spiritualité, il est vain de tenter de prouver l'existence ou l'inexistence de Dieu(x). Ces deux domaines sont des droites parallèles qui ne se croiseront jamais.


La spiritualité, la religion, repose sur la foi, la croyance, le doute. C'est à dire que le croyant choisit par définition de croire sans preuves matérielles. De la même manière que lorsque l'on fait confiance à quelqu'un, on ne peut pas être sur à 100% qu'il le mérite. Mais on y croit, parfois sur une base objective, parfois de manière irrationnelle et instinctive.


La foi fonctionne de la même manière, c'est aussi ce qui fait sa force et sa beauté d'un point de vue religieux. Sans preuves tangibles et incontestables, certains choisissent de croire, de faire confiance, de faire acte de foi.
Bien sur certains religieux ont la certitude absolue de l'existence de Dieu, quand bien même croire c'est aussi douter. Ils avanceront parfois ce qu'ils pensent être des preuves, des raisonnements logiques voire même scientifiques. 


Or le monde matériel repose sur une règle simple : tout ce qui existe de manière incontestable peut-être perçu par tout le monde, reproductible et mesurable d'une façon ou d'une autre. Qu'il s'agisse d'une simple pierre, du vent, de la lumière ou des phénomènes sociaux. Tout le monde peut les voir, les ressentir, les peser, les mesurer, et obtenir des résultats comparables.


S'il était possible de prouver l'existence de Dieu par des méthodes scientifiques : c'est à dire pouvoir le détecter, l'analyser, il cesserait tout simplement d'être Dieu, ce serait un simple phénomène atmosphérique ou spatial parmi tant d'autres. Calculable, mesurable, voire même prévisible.


Si Dieu existe il n'est à l'évidence pas perceptible dans notre univers matériel. Il se situerait donc ailleurs, dans nos têtes, dans la matière noire ou autre phénomène mysterieux jamais observé et non observable.
Il est donc vain de tenter de lui appliquer des raisonnements scientifiques. 

Comme toute croyance il repose, dans notre cerveau, sur des circuits qui ne suivent pas les routes de la rationalité. Il est aux cotés des peurs, de l'amour, des rêves et de toutes ces choses qui nous font dire qu'il y a, peut-être, caché dans les étoiles, quelque chose de plus grand que nous.


"Quand j'essaie de pénétrer avec nos moyens limités les secrets de la nature, on découvre derrière tous les rapports qu'on peut connaître quelque chose de très subtil, d'insaisissable, d'inexplicable."
Albert Einstein

 

 

Image : SpaceX

vendredi 14 décembre 2018

L'escalier




En rentrant chez moi, c'était un soir. Il y avait un tel silence, lorsque j'ai tourné la clé dans la serrure j'ai cru me réveiller.
Je montais l”escalier et j'ai vu un homme, un homme qui n'était pas là. Je fermais les yeux pour ne pas le voir, montant l'escalier presque en courant, espérant ne pas le toucher.
J'ai mal dormi cette nuit là.

Le lendemain, il faisait encore nuit. J'ai regardé l”escalier et il n'y était pas. J'avais peur, mais il n'était rien, il était vide.
Il n'était pas là le jour d”après non plus.
Je me suis mis à prier, à espérer. Ne pas le regarder, surtout qu”il ne me regarde pas. Alors je passe à coté, collé à la rampe, essayant de me faire plus fin que du papier.

Je dormais mal, tournant dans mon lit, les yeux crispés pour ne pas voir. Et s'il me touchait, s'il me voyait... Je me raidissait, dans la crainte de sentir sa main passer sur mes draps, sa face sombre tournée vers moi. J'étais toujours trop grand, trop gros, il allait forcément me voir. Je n”arrivais pas à me cacher, trop visible, trop bruyant.
Chaque fois que je rentrais, la clé dans la serrure me trahissait par son grincement interminable. Elle l'appelait.
Dans l”escalier noir, il n'y était pas et mon coeur voulait éclater mais il faut monter, ne pas rester en bas. Alors je passe, je me réduit, petit à petit, pour ne pas me voir, pour ne pas être vu. Et je dors mal, je suis petit dans ce trou. Je l'entend qui cherche, il allume la lumière, il chuchote mon nom dans les coins de la pièce. Il ne m'appelle pas, il me vide, dépose des morceaux le long des murs. J”entend son grincement, il frotte ses mains sur les parois, il les longe et à force il va tomber sur moi.
Je ferme les yeux jusqu’à en avoir mal, si je les enlève, s'il ne me reconnait pas, peut-être ira-t-il trouver quelqu'un d'autre.
Mais il n'est pas là, il n'est pas dans l”escalier et il cherche.


J'aimerai tellement qu”il s'en aille.




inspiré d'une réplique du film Identity

dimanche 2 septembre 2018

La plus grande prison du monde




Ma mémoire est comme un grenier à la porte rouillé. Ces portes qui n'ont pas l'habitude d'être touchée, qui rechignent et se plaignent.
A l’intérieur s'accumulent mes souvenirs. On dirait des tas de bouquins. Il y en a de toutes les tailles et formes. Certains sont grands et majestueux, leurs couvertures ouvragées exhibent un titre en lettres d'or. D'autres plus modestes et nombreux se pressent les uns contre les autres comme une interminable encyclopédie. D'autres encore sont comme de gros et vieux volumes; leurs couleurs démodées et l'usure du papier témoignent d'une époque révolue. On en voit aussi pleins d'images,  ou compacts comme des pavés, tout abîmés et la couverture fendue. Ces souvenirs s'amoncellent dans l'indifférence, comme si après avoir lu ces ouvrages une fois, je les avait laissés derrière moi, puis oubliés.

Le crépuscule est pour moi comme un horizon. Constant, absolu, impénétrable. Demain est une porte close, aussi proche soit-il. Je ne parviens pas plus à m'y projeter que sur une autre planète. Je peux imaginer s'il le faut mais je sens le temps glisser sur moi comme de la pluie. Je ne comprend pas ce qu'il me dit, je ne saurait même pas répondre en sa langue.
Demain n'occupe pas plus mes pensées que ces pays que je n'ai jamais visité.

Et pourtant, comme tout horizon, il me regarde, ou me renvoi mon regard je ne sais, mais à l'instar de l'abîme il m'attire, il nous attire irrésistiblement. Je me sens aspiré vers un fond que je ne toucherai qu'une fois, le chemin déjà parcouru est aussi lointain que celui qui m'attend. Je ne pourrais jamais y retourner, et je ne suis encore jamais allé dans l'autre.

Je suis juste là, à tourner dans le vide, les échos de vos fantômes autour de moi, étincelles qui traversent le ciel pour ne jamais y revenir. Nous tournons comme des bulles, nous nous frôlons sans jamais nous mélanger, sans pouvoir fusionner. Nous sommes juste là, seuls, infinités d'univers repliés sur eux même, souhaitant être compris sans savoir écouter.

Je n'ai pas de passé, pas d'avenir, je ne vis que dans cette seconde, cette éternelle et unique seconde.





Image : Prison-Burundi by Nathalie Mohadjer

dimanche 26 août 2018

Nihil I



Nihil I

Il n'y a pas de temps, juste la rotation des astres.
Il n'y a pas d'années, que des calculs.
Il n'y a pas de couleurs, juste des longueurs d'ondes.
La vue est un mensonge sans lumière,
Les yeux ne voient que l’éclairé.

La graine desséchée n'est pas morte, la charogne non plus,
Et le feu ne vit pas plus que les cellules.
La mort est le masque du changement,
La vie est le masque de la mort.

Il n'y a pas de Vérité car il n'y a rien à voir.

Il n'y a pas de guerre, il n'y a que la Vie.
Il n'y a pas de paix, il n'y a que l'Equilibre.



Image : Flickr/Alexandr Trubetskoy CC BY 2.0

vendredi 20 avril 2018

De l'occulte



Un condensé de l'histoire du satanisme, la sorcellerie et des sciences occultes en général. Ce texte ne se veut pas exhaustif et est sans doute bien trop imprécis, mais je n'ai ici aucune prétention d'historien. Le but est plutôt d'éclaircir le mystère qui recouvre ces termes, et les fantasmes qu'ils génèrent.
Remontons aux origines. A l'aube de l'humanité il y avait l'inconnu, l'inexplicable, la mort, les éléments. Nous avons commencé à enterrer nos morts, à comprendre que certaines choses nous échappaient. Certains ont tenté de franchir ce voile, d'ouvrir les portes de leur perception par tous les moyens pour approcher l'univers spirituel.

Il semble que l'humain soit fait ainsi, avec ce besoin de spiritualité, cette recherche constante d'explications. Aux origines il y avait donc la magie, la magie des plantes, des éléments, la mort, les souvenirs.
A mesure que les humains ont progressé en tous points du globe, la magie a occupé plus de places dans leurs sociétés. Il y avait maintenant des guérisseurs, des oracles, des sages-femmes et même des prêtres, en communication directe avec leurs divinités. La magie était alors un joyeux mélange de philosophie naturelle, de medecine, d'astrologie, d'alchimie et de superstitions. Il n'existait alors que la notion de païen, de barbare, l'étranger à la bonne religion ou à la bonne croyance mais la notion d'hérésie n'existait pas.

Puis le christianisme déferla sur la méditerrannée et avec lui la notion de théologie, de dogme, l'étude du divin qui soumet les autres sciences à sa vision.
Car celui-ci diffère du Judaïsme et plus tard de l'Islam sur cette question. Pour les juifs il est important d'être...juif, appartenir au Peuple Elu, les dérives sectaires (au sens religieux du terme) sont donc mieux acceptées.
Pour un musulman la notion d'hérésie est plus proche étymologiquement du terme "innovation", il met en garde le croyant contre toute forme d'ajout au texte sacré, de surinterprétation ou de superflu. Le Coran est ouvert à de multiples interpretations qui ne sont pas soumises à une voix unique, comme celle du Pape pour les chrétiens, la tolérance y est donc là encore plus souple.

Mais l'hérétique de l'époque n'est pas nécessairement un sorcier ou un démon, il s'agit le plus souvent d'un pratiquant des anciennes religions païennes, ou pire d'un orthodoxe ou autre "déviant" du message originel. Il y aurait eu jusqu'au XIV° siècle une certaine tolérance de l'Eglise à l'égard de la magie. Ceci s'explique peut-être par un certains respect des traditions d'origines des terres conquises, en déguisant des fêtes ou des rituels populaires en traditions chrétiennes. De plus les rebouteux, sages-femmes et autres guérisseurs font partie du paysage. Le dogme de l'époque ne croit d'ailleurs pas à la magie, dans le sens qu'aucun humain ne peut être doté de pouvoirs divins tel que commander aux éléments ou voir l'avenir.

A l'époque donc point de sorcellerie ou de satanisme, des personnes mal intentionnées bien sur, des "jeteurs de sort", et des charlatans vendant poisons et toniques naturellement. Mais il n'y a rien de théorisé, les forces du mal ne font pas l'objet d'un culte en soi. On trouve des études mélant philosophie, religion et medecine pour expliquer certaines afflictions comme la mélancolie par des "humeurs noires" ou des mauvais esprits mais il n'y a pas de consensus sur le rôle du Malin. Si certains le voient partout, d'autres ne font qu'évoquer les illusions d'esprits fragiles.
On trouve aussi d'antiques récits arabes ou hébreux mélant divinités locales et Ancien Testament sous forme de poèmes ou de prières. Certains présentent des démons, des rituels pour interagir avec eux, sous une épaisse couche de symbolisme.

Le Mal à l'époque n'a pas le même visage, le diable est même volontier une figure comique ou grotesque, la mort étant l'entrée du royaume de Dieu il n'y est pas associé. La perception de la Mort est d'ailleurs bien différentes lorsqu'on lit les textes de l'époque, les conditions de vie étant rudes, mourir est considéré comme "normal"et n'a pas l'impact qu'on lui connait.

Pour les autorités religieuses, le pire ennemi est l'hérétique, c'est à dire la brebis galeuse dans le troupeau. Celui qui déforme le message divin et l'interprete sans supervision d'un ecclesiastique. L'Eglise les traque tout autant que les Etats, ce n'est que lorsque ces mouvements prirent de l'ampleur (les Cathares pour ne citer qu'eux) que furent instaurés des instances avec beaucoup plus de pouvoir : ce furent les débuts de l'Inquisition. Si leur image dans l'imaginaire collectif est très violente, la réalité en est assez éloignée, l'Inquisition n'avait d'ailleurs aucun pouvoir sur les non-chrétiens.

Le visage de la sorcellerie va toutefois changer radicalement au cours des siècles qui suivirent. Au XIV° siècle, la Peste s'abat sur l'Europe. La mort deviens omniprésente, il faut la fuir, la redouter, on commence à lui prêter les traits d'une faucheuse. La Peste frappe d'abord les forts et les mécanismes de la maladie sont un mystère. L’incompréhension pousse à chercher des coupables à cette punition divine. Le pape Grégoire IX commence également à s'interesser à la sorcellerie, comme une pratique en marge de l'hérésie. Un de ses cardinaux les plus fanatiques (Conrad de Marbourg) théorise alors pour la première fois les nuits de sabbats des sorcières, sur la base de diverses fables et racontars des régions alpines. Car, comme elle l'a toujours fait de manière plus ou moins consciente, l'Eglise agrège de nombreuses traditions, contes et récits. Voila donc mélés sous la même bannières des mythes folkloriques aussi divers que les dames de la nuit, cannibalisme, orgies zoophiles et simples fêtes populaires dans les bois.

La chasse aux sorcières commence, les boucs émissaires présents dans toute sociétés humaines changent de visage : autrefois juifs ou lépreux, on leur préferera dorénavant les femmes âgées et isolées, veuves et/ou riches, parfois des hommes mais surtout des femmes, porte d'entrée du Mal.
A cette époque on trouve des écrits se voulant précis sur les pratiques occultes, mais il ne s'agit toujours que de théories mises au point par des théologiens ou de témoignages/accusations. On ne trouvera rien qui ne soit réellement signé de la main d'une magicienne. Une large part du clergé chrétien n'y croit d'ailleurs tout simplement pas et juge que les sabbats ne sont que des vues de l'esprit et des superstitions.

Mais qu'importe, l'occasion d'exercer son pouvoir est trop belle et aujourd'hui on commence à déméler les enjeux politiques des chasses aux sorcières, comme le renforcement des pouvoirs des évèques, couvert par d'abondantes ordonnances et bulles papales légitimant et théorisant cette répression (à l'époque, un évêque a le pouvoir de lever une armée).

A ce stade il est important de voir l'implication de l'Eglise dans l'élaboration de la figure du Mal et de ses adorateurs, entre autres facteurs politiques et économiques.

Les grands fléaux passent, la science et l'humanisme progressent et les dernières chasses aux sorcières s'éteignent aux XVII° siècle. L'heure est au progrés, l'ésotérisme passe de mode et se trouve plus proche de l'art et de la littérature que de la vie quotidienne.
C'est également à cette époque que surgit la première trace de satanisme théiste. L'affaire des poisons sous le règne de Louis XIV qui plongea la cour dans une étrange ambiance de complots et de chasse aux sorcières.

Il s'agissait d'un groupe d'aristocrates s'étant livré à divers meurtres aux mobiles variés. A ces accusations s'ajoutèrent quantités de témoignages sur des parodies de rituels chrétiens, infanticides, utilisation de foetus avortés et autres sacrifices. S'il est impossible de déméler le vrai du faux (une affaire aussi croustillante ayant générée quantité de fantasmes) il s'agit tout de même du premier cas de messe noire, au sens actuel du terme. Il ne désignait avant que les cérémonies chrétiennes non officielles, privées ou parodiques.

Toujours orienté et influencé par le christianisme, la fascination du Mal se développe dans l'art et la littérature. La mode de l'orientalisme fait également redécouvrir des cultes anciens et mysterieux comme celui de Baal. La science a fait reculer le territoire de la magie, elle est maintenant devenue un jeu d'esprit dans les salons littéraires, ou un délire maniaque chez quelques illuminés religieux et prêtres défroqués.

Le "satanisme" explosa en Europe au XVIII° siècle et particulièrement en France. Le peuple se soulève et abat le réprésentant de l'autorité divine sur Terre. La tête du Roi de France tombe et avec lui tout un système politique et social. Des rivières de sang coulent dans Paris et les grandes villes, les campagnes balayées par la Grande Peur. On instaure la Terreur tandis que l'on guillotine tout ce qu'il y avait de plus sacré, avec un anti-clericalisme inédit dans l'histoire humaine.

Aux yeux des défenseurs des Lumières, catholiques et autres francs-maçons, le violent chaos qui s'est emparé de toute l'Europe à la suite de la Révolution ne peut être exempt d'une présence satanique. Le mot est prononcé, défini, il ne s'agit pas simplement du Mal dont on parlera Baudelaire ou les cardinaux du Pape, il ne s'agit pas de Lucifer qui pêche par orgueil, mais de Satan, au sens premier d'adversaire, d'ennemi de l'humanité.

Dans les décénies suivantes, la société reste indissociable du christianisme mais le pouvoir est aux empereurs (Napoléon entre autres en Europe) qui font d'ailleurs l'objet d'un culte. L'imaginaire se déploie alors davantage et le Mal continue d'alimenter les artistes mais aussi les penseurs et philosophes. Sade parlera longuement des messes noires et il est probable que quelques cercles privés se soient livrés à des orgies occultes. Les rites de certaines sociétés secrètes commes les francs-maçons ont également suscité quantités d'accusations, mais il n'existe en réalité que peu de traces crédibles.

L'occultisme est toujours mélé à la philosophie et à la religion mais aussi aux drogues comme l'opium ou le hashich, à des moeurs sexuelles inhabituelles et à un rejet des normes sociales. Il se teinte aussi volontier de pseudo-sciences comme la tarologie, la numérologie et la para-psychologie naissante.
Cette époque constitue le ferment de la plus grande partie du folklore satanique et magique contemporain car elle voit se developper la conscience de soi, l'individu et ses ressources insoupçonnées (rappellons que les notions "d'individu" et de personnalité n'existent pas au moyen-âge).

Le XX° siècle connait les guerres mondiales, le Mal se fait industriel, mécanique. La guerre, les dictatures et les libérations, la société de consommation et le recul constant des religions. La liste des facteurs à prendre en compte serait trop longue, toujours est-il que ce siècle a vu l'emergence de quantité de mouvements spirituels, Crowley et Lavey en grands théoriciens satanistes, mais aussi les mouvements Wicca, druidiques, hippies, les phénomènes paranormaux, l'Ufologie etc... Tous se plongent dans le passé pour expliquer le présent, ils se réapproprient d'anciens symboles qu'ils interprètent en fonction des besoins de leur idéologie. Plus la preuve est ancienne plus elle est solide, et plus elle est mystérieuse, plus elle est attirante. Les motivations sont nombreuses, il peut s'agir d'une recherche spirituelle en dehors des sentiers déjà connus, des délires d'un gourou ou d'une juteuse exploitation commerciale.

L'exaltation de l'humain comme maître de son destin a changé la donne, l'humain n'est plus seulement au centre de l'univers, il en est le maître et n'a plus besoin de figure divine pour guider sa vie. La société de consommation a joué un rôle primordial dans cette libération de l'égo individuel. D'un point de vue chrétien c'est effectivement une manifestation du satanisme, car l'humain se met à la place de Dieu.

On se plait à comparer ces courants aux grandes religions monothéistes, comme s'ils avaient toujours existés dans l'ombre. Une société secrète immémorielle, qui se transmet ses rituels d'une génération à l'autre, le dogme soigneusement consigné dans un antique grimoire.
La réalité est que contrairement aux grandes religions qui n'ont que peu bougé, ces mouvements occultes, par définition, n'ont jamais eu d'existence réelle, ils n'ont parfois existé qu'en creux, à travers des témoignages. Tout le monde en parle mais personne ne l'a vu, à la manière des monstres qui hantent les forêts. Les grands traités de Démonologie comme le Lemegeton ont été écrits ou rendus publics par des "ennemis" du mal, théologien, religieux et philosophes et non pas d'hypothétiques adeptes.
Au mieux ont-ils donc trouvés une expression dans le cerveau en fusion de religieux fanatiques, d'intellectuels en mal de transgression ou de philosophes.



"Il y a toujours un moment où la curiosité devient un péché, et le diable s'est toujours mis du côté des savants."
Anatole France


Image : Doom

samedi 13 janvier 2018

Zone Rouge




La vieille leur racontait que du poison tombait du ciel. Il s'infiltrait dans les  racines des plantes, empoisonnait leurs fleurs et rendait les forêts semblables aux cimetières. C'était quelque chose dans l'eau, l'eau qui tombait du ciel.
Rien ne poussait ici, les fermiers ne labouraient que du métal et des os anciens. La Grande Guerre n'était pas encore finie dans les sols de cette contrée, les fusils tiraient toujours leurs balles rouillées et de vieux obus laissaient leurs entrailles corrosives contaminer la terre.

Certaines zones étaient interdites, trop sinistrées. Quelques blocs de pierre, tellement épars qu'on n'oserait les qualifier de ruines, témoignaient d'anciens villages. Même les oiseaux ne survolaient plus ces endroits, le bruits des bombes résonne encore dans leurs gènes.
On pouvait aussi y trouver des tombes de fortunes, le plus souvent érigées avec les armes des mourants. De maigres silhouettes tordues par la rouille, plantées au dessus d'un monticule. Sous un buisson pouvait se cacher la carcasse d'une pièce d'artillerie, et dans un fossé gorgé d'eau, un vieux char d'assaut qui paraît s'y dissoudre.

La nature ne voulait plus d'Hommes ici. Le lourd silence n'était qu'à peine troublé par le bruit des quelques animaux sauvages, renards ou chevreuils qui s'y aventuraient. Même eux paraissaient encore plus prudent qu'à l'accoutumée, comme un humain entrerait dans une église. Une herbe vive couvrait chaque aspérité année après année, mais rien ne venait combler les cratères qui grêlent encore chaque parcelle de terrain. Le relief est indéfinissable, ce que l'on prenait pour une butte pouvait se trouver éventrée sur l'autre versant et constituer une large cuvette, et ce qui était jadis une plaine se transformait en d'éprouvants dénivelés ou un interminable dédale dans les cratères.
L'abandon était la caractéristiques de toutes choses ici, des habitants aux paysages. Pas un poteau électrique ni même un arrêt de bus. Les rares touches de couleur qu'on pouvait y voir étaient les multiples panneaux d'avertissement et d'interdiction de franchir les clôtures de sécurité.
Les habitant y poursuivaient leur vie, chacun à son niveau tentant de désintoxiquer son pays, retirant ici un bout de ferraille dans un massif de fleur, là signalant la silhouette d'un obus dans une mare.

Personne ne venait, jamais, les cartes n'indiquaient leur présence que pour marquer les zones à éviter aux gens de passage. Les horloges se sont arrêtés il y a plus d'un siècle à présent.

Seule la végétation donne une idée du temps qui s'est écoulée, et dans la yeux de la vieille qui terminait son histoire, la guerre continuait de faire rage.




La vieille dame n'existe peut-être pas, mais son pays oui. Il s'appelle la Zone Rouge, c'est en France.
Image : Olivier Saint Hilaire - Lieux de mémoires

samedi 21 octobre 2017




Et s'il revenait ? Si le démon s'éveillait à nouveau, si son avis redevenait important ? Me retrouverais-je à tenir conseil avec lui toutes les nuits ? Si je ne savais plus quoi faire, si mes forces et mes certitudes s'envolaient ? Placerait-je à nouveau mes choix entre ses mains ?
Et pourtant il me semble si loin, même une photo ne le rendrait pas plus réel. Son souvenir est devenu vide, creux, je ne suis plus capable de le reconnaître. Il n'est même pas mort, car la mort place les souvenirs sous cloche, non il s'est dissous comme un mauvais rêve.

Un peu comme cet ami d'enfance. Mon "meilleur ami" à l'époque, nous étions inséparables et d'une loyauté indéfectible envers l'autre. Le genre de lien que l'on n'imagine pas voir brisé.
Et pourtant les courants de la vie nous éloignent, rendent nos rencontres plus rares, puis nous séparent tout à fait. D'autres expériences s'accumulent, d'autres rencontres, et cette belle amitié reste à sa place, dans l'enfance.
Des années plus tard je l'ai revu, par hasard. Sans savoir comment je l'ai reconnu instantanément. En fait il n'avais pas changé, juste grandi et forci (sa passion pour le rugby, au contraire de la mienne, n'avait pas décrue). Nous avons échangé quelques mots avant de nous quitter définitivement, à nouveau.
Cela aurait pu être n'importe qui, nous n'avions plus rien en commun depuis longtemps et nous ne nous connaissions pas en réalité. Je ne l'ai pas vraiment revu ce jour là, j'ai vu l'homme qu'il était devenu. L'enfant qu'il était n'est pas mort...il n'est plus.

C'est un peu ce que je ressens, je sais qu'il ne peut pas revenir tel que je l'ai connu, trop de choses ont changé.
Pourtant au fond de moi je l'imagine comme une porte de sortie. La dernière issue, si par malheur j’atteins le fond.

Si ce sourire dans la glace me semble familier, c'est que c'est le mien.




image : faceless by ryan merill