lundi 3 mars 2014

Un soir




Penché à la fenêtre, la tête plongée dans l'air frais de la nuit. Les bruits de la villes ne sont plus que murmures d'ici, il entend le vent caresser son visage et ses cheveux. Il sent son dos chargé de fatigue, ses jambes lourdes et ses épaules lasses. Les jours sont long et les nuits si courtes.
Ses pensées, ses doutes, ses regrets, il lui semble qu'elles usent les os de son crâne de l’intérieur. Il avait vu une fois chez un médecin, dans la salle d'attente saturée de miasmes, une de ses affiches de prévention pour divers maux tel le tabac, les maladies génétiques, les drogues...Celle ci était à propos d'un quelconque trouble mental, on y voyait une tête vaguement humaine en forme d'ampoule, dessinée d'une main d'enfant, et une silhouette à vélo rouler le long des parois du crâne. Le slogan écrit en rouge sur fond bleu en dessous était : le petit vélo dans la tête laisse-t-il des traces ? Cela lui avait glacé le sang.
Mais à cet instant le vent purifiait son esprit comme il éparpillerai de la poussière. Il se laissa tomber sur la chaise derrière lui, toujours accoudé à la fenêtre. Il tira une profonde bouffée en étirant longuement ses jambes. Il relâcha sa respiration lorsqu'il sentit son ventre se réchauffer sous l'onde de tension de ses muscles. Le point de détente dans son être lui donnait un centre où se réchauffer. Sa main droite pendait mollement dans la brise, comme elle tremperait dans l'eau depuis le rebord d'un bateau. Les volutes de fumées bleuâtres se défaisaient dans l'air, des lacets qui se délient, des rubans de gaze, des mots éphémères.
Les mots lui promettaient le repos, le bonheur, la facilité. Les sirènes d'Ulysse, qu'il ne faudrait entendre qu'une fois attaché comme il le fut, au mât de son bateau. Leurs voix suaves, cette fumée douce, gare à l'obscurité qui ne saurait guider un marin égaré. Les vents sont capricieux dans l'océan insondable qu'est la pensée. Chaque éclat nous attire et nous éloigne du précédent, nos membres se perdent, la vision se disloque, les doigts se déchainent.

Les hommes aux mains rouges, les fossoyeurs, ceux qui reniflent dans le froid, écrasent les carcasses de l'espoir vorace. La chaleur des déserts, le sable de plomb fondu, la lumière d'or en fusion, les grands palaces de chair, leurs couloirs tentaculaires remplis de fidèles aux mains brisées à force de prier. De grandes tours calcinées se dressent à perte de vue, ornées de leur couronne de vautours. Des routes de charbons courent à travers les étendues arides qu'un vent âpre brûle en permanence.

Il est temps de revenir, d'étouffer la braise. Juste lever une dernière fois les yeux vers le ciel, fermer la fenêtre et allumer la lumière.